Mensuel Shaarli
September, 2018
Il y a 15 ans, on avait l'impression que les batailles autour du droit d'auteur étaient les plus importantes. Elles continuent à l'être : c'est essentiel de permettre aux individus d'être créatifs, de permettre aux communautés de toucher, de sentir, et de participer à l'élaboration du contexte culturel dans lequel elles évoluent. Mais aujourd'hui, la démocratie fait face à une menace tellement profonde qu'il est difficile de maintenir la même attention au sujet des droits d'auteur à l'ère numérique. (...)
Aujourd'hui, Facebook et Google accumulent tellement de données sur nous et peuvent effectuer tellement d'expériences sur les individus que le débat autour de la vie privée et du marketing comportemental me semble immensément plus urgent.
Par ailleurs, il existe à présent, via Spotify ou Netflix, de nouveaux moyens de monétiser des oeuvres culturelles. Cela devient ridicule de dire qu'il faut protéger plus efficacement le droit d'auteur. La création vidéo connaît un véritable âge d'or, sans aucune de ces protections ! C'est ce que les défenseurs des communs culturels disent depuis le début : si les entreprises parviennent à mettre en place des systèmes d'abonnements relativement simples et abordables, les gens payeront, et seront ravis de le faire ! Et il n'y a jamais eu autant de créativité, de variété, et de marchés de niche pour la vidéo ou la musique qu'aujourd'hui.


Chercher à banaliser l’influence des lobbys en arguant que les associations, elles aussi, sont régulièrement reçues par les conseillers ministériels ou les parlementaires est un grossier mensonge ! La réalité est bien différente. Les fédérations patronales, les entreprises, les cabinets privés de lobbying – pour ceux qui ont les moyens et les réseaux personnels – ont un accès privilégié aux cercles de pouvoir que les associations n’ont pas. De plus, l’influence ne doit pas être réduite aux rencontres discrètes avec les décideurs : interventions d’avocats d’affaires, pantouflage vers le secteur privé, financement de think tank et de chercheurs, font partie de la panoplie du lobbying économique… L’influence de ces représentants d’intérêts privés – pratiquant régulièrement le chantage à l’emploi – est effectivement considérable et s’exerce en toute opacité jusqu’au sommet de l’Etat.
Les associations qui défendent des causes sociales ou environnementales, donc d’intérêt général et d’utilité publique, doivent quant à elles se battre pour être entendues, trouvent trop souvent porte close auprès des institutions publiques et disposent de moyens financiers et humains sans commune mesure avec ceux des lobbys privés.

12 septembre 2018 - Le Parlement européen vient d'adopter la directive droit d'auteur, qu'il avait pourtant repoussée une première fois cet été. En ayant fait adopter cette directive, les industries culturelles et de la presse réclament les miettes de l'économie de la surveillance de masse. Plutôt que de combattre cette capitulation devant les GAFAM, le gouvernement français l'a vigoureusement encouragée.

Il est indéniable que Google tire profit de ces fréquentations. Même si la page en question ne comporte aucune publicité, les visiteurs s’habituent à vivre dans la bulle américaine. Par ricochet, Google amplifie ses fréquentations sur l’ensemble de ses services, en capacité de maximiser ses revenus publicitaires. « Business as usual ».
Néanmoins, la logique montre ses limites. Que dirait-on si le Musée du Louvre demandait une rente à la RATP, au motif que la régie de transport engrange chaque année des revenus avec des millions de visiteurs drainés devant des œuvres d’art ? Allons plus loin : demandons aussi aux fournisseurs d’accès voire d’électricité de subvenir à une presse en mal de subsides puisque des octets et de l’énergie sont vendus sur le dos des pauvres journalistes…
Les géants ont été dépeints comme des voleurs, des profiteurs, mais personne ne s’est souvenu de l’utilité de l’indexation et ses retombées. Oui, les moteurs profitent d’une fréquentation accrue dans leur environnement grâce à la presse, mais celle-ci doit bien en profiter, non ? Si tel n’était pas le cas, la solution est là, sans directive, ni loi ni décret : que les mécontents activent les bonnes options du fichier Robots.txt à la racine de leur site pour couper les ponts avec Google, Qwant ou Bing. Fin de la spoliation.